Foreign Payroll au Royaume-Uni : obligations et cadre pour un employeur français

Jan 27, 2025

Nous avons écrit de nombreux articles sur les problématiques de « Payroll » au cours des années mais avec les changements annoncés pour Avril, il était temps de faire un recapitulatif détaillé à destination des employeurs étrangers qui veulent embaucher en Angleterre sans pour autant créer une structure locale.

La notion de « Foreign Payroll » désigne la gestion de la paie d’un salarié dans un pays où l’employeur n’a pas d’entité juridique. Un employeur français qui souhaite embaucher un salarié basé en Angleterre sans créer de structure locale doit se conformer aux réglementations britanniques du travail et de la fiscalité. Cela implique de respecter les obligations fiscales et sociales (système PAYE, impôt sur le revenu, cotisations National Insurance), de mettre en place un régime de retraite professionnelle (auto-enrôlement), de garantir la conformité juridique (droit du travail, risques fiscaux) et de résoudre les questions bancaires liées aux paiements. Cet article détaillé aborde chacun de ces aspects de manière formelle et précise, avec des références aux réglementations officielles du Royaume-Uni lorsque pertinent.

Obligations fiscales et sociales au Royaume-Uni

Système PAYE : impôt sur le revenu à la source

Au Royaume-Uni, l’impôt sur le revenu des salariés est prélevé à la source par l’employeur via le système Pay As You Earn (PAYE) (Fiscalité en Angleterre vs France : Différences et Avantages pour Expatriés). Concrètement, l’employeur retient chaque mois l’impôt dû sur le salaire du collaborateur et le reverse au HM Revenue & Customs (HMRC), l’administration fiscale britannique. Un employeur français sans établissement en Angleterre doit tout de même assurer cette collecte de l’impôt britannique pour son salarié local. Pour ce faire, il est généralement nécessaire de s’enregistrer auprès de HMRC en tant qu’employeur, afin d’obtenir un numéro de PAYE et de pouvoir effectuer les déclarations et versements requis. HMRC permet à une entité étrangère de s’enregistrer dans ce but (souvent en fournissant une adresse de correspondance au Royaume-Uni), de sorte que l’employeur puisse opérer un schéma PAYE au nom de sa société.

Il faut noter que, d’un point de vue purement légal, l’obligation d’opérer le PAYE dépend de la présence fiscale de l’employeur au Royaume-Uni. HMRC considère qu’un employeur étranger n’a pas de « tax presence » (présence fiscale) du simple fait qu’il emploie du personnel en télétravail depuis le Royaume-Uni (sans bureau ni agence sur place) ( PAYE81610 - PAYE operation: international employments: employers ‘presence in UK’ - HMRC internal manual - GOV.UK ). En l’absence de présence fiscale, la législation britannique n’impose pas strictement à l’employeur étranger de pratiquer le PAYE sur les salaires. Cependant, en pratique, il est fortement recommandé de le faire pour rester en conformité et faciliter le paiement de l’impôt. De nombreux employeurs de l’UE choisissent de s’enregistrer volontairement au PAYE même sans y être obligés, afin d’éviter de laisser au salarié la charge de payer lui-même l’impôt sur le revenu. À défaut de schéma PAYE opéré par l’entreprise, le salarié devrait en effet déclarer et payer lui-même ses impôts via une auto-imposition (Self Assessment) ou un dispositif de prélèvement direct spécifique (DPNI) – une situation moins optimale et potentiellement risquée. Par conséquent, il est dans l’intérêt de l’employeur d’assumer le rôle de collecteur de l’impôt à la source, comme le ferait une entreprise britannique, pour éviter tout problème fiscal. Le PAYE fonctionne sur une base de déclarations en temps réel (RTI) à chaque paie, et les sommes retenues doivent être versées à HMRC régulièrement (généralement avant le 22 du mois suivant le versement) pour éviter pénalités ( Workplace pensions - what your employer can and cannot do - GOV.UK ).

Cotisations sociales National Insurance (NIC)

En plus de l’impôt sur le revenu, l’employeur doit prélever et acquitter les cotisations sociales britanniques, appelées National Insurance Contributions (NIC), qui financent la protection sociale du salarié. Les NIC comportent une part salariale (employee NIC, déduite du salaire brut) et une part patronale (employer NIC, à la charge de l’employeur) assises sur le salaire du collaborateur. Les taux de cotisation sont sensiblement plus faibles qu’en France : par exemple, en 2023-2024, les charges sociales au Royaume-Uni s’élèvent à 13,8 % du salaire brut pour l’employeur et 8 % pour le salarié (sur la tranche de revenus standard), puis le taux salarié tombe à 2 % au-delà d’un certain plafond (Fiscalité en Angleterre vs France : Différences et Avantages pour Expatriés). À titre indicatif, pour l’année fiscale 2024-2025, aucune cotisation patronale n’est due en dessous d’un seuil d’environ £175 par semaine (Secondary Threshold), mais au-delà de ce seuil l’employeur paye 13,8 % sur la fraction de salaire excédentaire (Rates and allowances: National Insurance contributions - GOV.UK). De son côté, le salarié ne commence à cotiser qu’au-delà d’environ £242 par semaine (Primary Threshold, équivalent du point d’entrée de la sécurité sociale) et à un taux de l’ordre de 8 % jusqu’au salaire de ~£50 000 par an, puis seulement 2 % au-dessus. Ces cotisations donnent droit pour le salarié aux prestations du régime britannique (assurance maladie via le NHS, droits à la pension publique, etc.).

A noter qu'à partir d'Avril 2025, les cotisations sociales vont augmenter comme suit:

Taux de cotisation : le taux des cotisations patronales augmentera de 13,8 % à 15 %.

Seuil de rémunération : le seuil à partir duquel les employeurs commencent à payer des cotisations sera abaissé de 9 100 £ à 5 000 £ par an.

Du point de vue d’un employeur français, il est crucial de comprendre que si un salarié travaille en Angleterre, les cotisations sociales doivent en principe être versées au Royaume-Uni. En effet, selon les accords de coordination de sécurité sociale (notamment le règlement CE 883/2004 qui a été repris dans l’accord post-Brexit), un employeur de l’UE sans présence locale est tenu de s’affilier au régime britannique pour un salarié exercant son activité au Royaume-Uni. Ainsi, même sans établissement au UK, l’entreprise française doit prélever et reverser les NIC britanniques (parts salariale et patronale) pour son employé sur place. Si elle ne le fait pas spontanément, HMRC peut faire appel aux autorités du pays d’origine – en France, l’URSSAF ou les organismes compétents – pour recouvrer ces cotisations sociales obligatoires. À l’inverse, en cas de détachement temporaire d’un salarié français en Angleterre, il est possible de le maintenir au régime français pendant une durée limitée (généralement 12 à 24 mois) via le formulaire A1, évitant ainsi l’assujettissement aux NIC britanniques. En dehors de ce cas particulier, l’employeur devra s’acquitter des NIC UK. Concrètement, une fois inscrit au régime PAYE/NIC, l’employeur verse mensuellement à HMRC le montant des cotisations calculées sur le salaire, en même temps que l’impôt sur le revenu retenu.

Pension d’entreprise et obligation d’auto-enrôlement

Le Royaume-Uni impose à tous les employeurs d’établir un régime de retraite professionnel (workplace pension) et d’y affilier automatiquement leurs salariés éligibles. En effet, « en vertu du Pensions Act 2008, chaque employeur au Royaume-Uni doit inscrire certains salariés à un régime de pension et y contribuer » (Workplace pensions - what your employer can and cannot do - GOV.UK) – c’est le principe de l’auto-enrolment (auto-enrôlement). Cette obligation légale s’applique dès l’embauche du premier salarié au Royaume-Uni : dès le jour de commencement du contrat, l’employeur acquiert des devoirs en matière de retraite complémentaire.

Les critères d’éligibilité à l’auto-enrôlement sont définis par la loi. En général, tout employé âgé de 22 ans ou plus, n’ayant pas encore atteint l’âge légal de la retraite, travaillant au Royaume-Uni et percevant un salaire annuel supérieur à £10 000 (soit environ £833 par mois) doit être automatiquement inscrit dans un régime de pension d’entreprise. L’employeur doit alors procéder à l’inscription (sans action requise de l’employé) et à la collecte des cotisations. Le salarié a la liberté de « opt-out » (se désinscrire) s’il ne souhaite pas cotiser, mais l’employeur devra le ré-inscrire tous les 3 ans par la suite s’il remplit toujours les conditions, conformément aux exigences réglementaires.

En matière de contributions, le Royaume-Uni a fixé un minimum légal. Actuellement, le total des cotisations de retraite doit représenter au moins 8 % du salaire brut (sur la tranche de rémunération éligible) dont au minimum 3 % à la charge de l’employeur. Par exemple, si le salarié cotise 5 % de son salaire à la pension, l’employeur doit cotiser 3 % de son côté pour atteindre le plancher de 8 %. Ces taux peuvent bien sûr être plus élevés selon la politique de l’entreprise, mais pas en dessous du minimum légal. L’employeur français devra donc mettre en place un workplace pension scheme – souvent en souscrivant auprès d’un organisme de pension britannique agréé (par exemple : NEST, The People’s Pension, Aviva ou autres). Il devra déclarer ses employés éligibles auprès de ce régime et effectuer les versements de cotisations après chaque cycle de paie. Une déclaration de conformité (Declaration of Compliance) doit en outre être remplie en ligne auprès de The Pensions Regulator (TPR) une fois le régime mis en place, pour attester que l’employeur respecte bien ses obligations d’auto-enrôlement.

Un enjeu pratique important est la nécessité d’un compte bancaire britannique pour opérer les prélèvements de cotisations de retraite. En effet, presque tous les fournisseurs de plans de pension au Royaume-Uni exigent un paiement par prélèvement automatique (Direct Debit) sur un compte en livres sterling domicilié au Royaume-Uni. Selon un cabinet spécialisé, les cotisations de pension doivent être payées par prélèvement automatique, et un compte bancaire GBP basé au Royaume-Uni est requis pour ce processus. En d’autres termes, la conformité en matière de pension ne peut être réalisée qu’avec un compte bancaire UK permettant les prélèvements automatiques. Une entreprise française sans présence locale se retrouve donc dans l’obligation d’ouvrir un compte bancaire au Royaume-Uni ou de trouver une alternative technique pour honorer ses paiements de retraite. Nous aborderons plus loin les solutions bancaires possibles. Notons ici que le non-respect de l’obligation d’auto-enrôlement expose l’employeur à des sanctions de TPR (pouvant aller d’amendes fixes à des pénalités journalières croissantes en fonction de la taille de l’entreprise). Il est donc crucial de planifier la mise en place du régime de pension dès l’embauche du salarié. TPR contacte généralement le nouvel employeur peu après sa première déclaration PAYE pour lui rappeler ses devoirs en matière de retraite ; il convient de répondre à ces sollicitations et de se conformer dans les délais impartis (généralement, inscription du salarié à un plan dans les 3 mois suivant l’embauche, sauf report formel de 3 mois maximum).

Conformité juridique et risques à éviter

Employer un salarié en Angleterre sans entité locale nécessite de respecter l’ensemble des règles du droit du travail britannique, au même titre qu’un employeur national. Parmi les obligations clés figurent :

  • Vérification du droit au travail : l’employeur doit s’assurer que le salarié a le droit de travailler au Royaume-Uni (citoyenneté britannique ou visa approprié le cas échéant). Il doit effectuer les vérifications de documents prescrites (Right to Work checks) avant l’embauche, sous peine de sanctions en immigration.
  • Contrat de travail conforme : un contrat de travail écrit doit être remis au salarié, incluant les informations obligatoires (fonction, lieu de travail, rémunération, horaires, congés, etc.). Le contrat sera régi par le Employment Rights Act 1996 et la common law britannique. Il peut être rédigé en anglais de préférence, et prévoir les clauses spécifiques (période d’essai, préavis, clauses de confidentialité, etc.) adaptées au droit anglais.
  • Salaire minimum et durée du travail : le National Minimum Wage ou National Living Wage doit être respecté en fonction de l’âge du salarié. Par exemple, pour un employé de plus de 23 ans, le minimum légal est d’environ £10,42 brut par heure (au 1ᵉʳ avril 2023). De même, la durée maximale de travail (48 heures par semaine en moyenne, sauf opt-out volontaire) et les droits aux congés payés (au moins 28 jours ouvrés par an pour un temps plein) doivent être garantis selon les Working Time Regulations.
  • Bulletins de paie et registres : l’employeur est tenu de fournir un payslip (bulletin de paie) détaillé à chaque paiement de salaire, mentionnant notamment le salaire brut, les montants d’impôt PAYE et de NIC retenus, les cotisations de pension, et le net versé. Il doit aussi tenir des registres de paie et de temps de travail à jour, en cas de contrôle par HMRC ou l’Inspection du travail britannique.
  • Assurances obligatoires : au Royaume-Uni, l’assurance responsabilité de l’employeur (Employers’ Liability Insurance) est obligatoire pour toute entreprise ayant au moins un employé. Un employeur français sans entité locale devra souscrire une telle police (généralement auprès d’un assureur britannique) dès le début de l’emploi, sous peine d’amende (jusqu’à £2 500 par jour d’absence d’assurance). Par ailleurs, si le travail s’effectue depuis un domicile en Angleterre, il peut être nécessaire de vérifier que l’assurance habitation du salarié ne s’y oppose pas, et éventuellement de souscrire une assurance complémentaire (responsabilité civile exploitation) pour couvrir les activités professionnelles au domicile.

Il faut savoir que le HMRC indique explicitement qu’il ne considère pas qu’un employeur étranger possède une « tax presence » au seul motif qu’il a des employés travaillant depuis leur domicile privé au UK (PAYE81610 - PAYE operation: international employments: employers ‘presence in UK’ - HMRC internal manual - GOV.UK). Ainsi, une entreprise française peut employer un vendeur ou un technicien en home-office en Angleterre sans pour autant être soumise à l’impôt sur les sociétés britannique, tant qu’elle n’a pas de bureau, d’agence ou de représentant officiel sur place. Néanmoins, la frontière peut devenir floue si le salarié exerce des fonctions qui engagent juridiquement la société en UK (par ex. conclusion de contrats avec des clients britanniques, négociations commerciales substantielles, etc.). Si le salarié agit « au nom » de l’entreprise de manière habituelle et conclut des affaires, l’administration pourrait requalifier sa présence en un établissement stable de fait. Pour éviter ce risque, il est conseillé de délimiter les attributions du salarié (par exemple, qu’il réalise du support ou de la prospection, mais ne signe pas de contrats majeurs en son nom propre) et éventuellement de consulter un fiscaliste. En résumé, rester en conformité signifie : pas de structure fixe ni de pouvoir de décision commerciale donné au salarié sur le territoire britannique, afin de ne pas dépasser le cadre de la simple relation de travail.

Si un employeur étranger n’a pas de présence fiscale au Royaume-Uni, il n’est donc pas légalement tenu d’opérer le PAYE (Pay As You Earn, le système britannique de prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu et des cotisations sociales). Mais, même si l’employeur n’opère pas le PAYE, l’impôt britannique est toujours dû par l’employé si :

  • Il est résident fiscal au Royaume-Uni.
  • Il perçoit un salaire en contrepartie d’un travail effectué sur le sol britannique.

Dans ce cas, l’employé devra déclarer et payer lui-même son impôt via le système Self Assessment (déclaration annuelle auprès de HMRC). HMRC peut également exiger un prélèvement sous le régime DPNI (Direct Payment PAYE Scheme), où l’employé paie directement ses impôts à HMRC, bien que ce mécanisme soit peu fréquent. Quant aux cotisations sociales (NIC) elles doivent être payées dès lors que l’activité salariée est exercée au Royaume-Uni, même en l’absence de tax presence de l’employeur. L’employeur devra s’enregistrer auprès de HMRC en tant qu’employeur NIC-only, ce qui signifie qu’il opérera uniquement la collecte des contributions sociales et non de l’impôt sur le revenu.

Il est donc recommendé même en l’absence de tax presence, d’opérer volontairement le PAYE complet, car cela :

  • Facilite la conformité fiscale et évite aux employés d’avoir à gérer leur propre imposition.
  • Permet l'automatisation du prélèvement de la pension qui elle aussi reste obligatoire.
  • Réduit les risques de redressement ultérieur de HMRC.
  • Donne une meilleure expérience aux salariés, qui reçoivent un salaire net après imposition, sans avoir à anticiper un paiement d’impôt.

Problématiques bancaires et solutions de paiement

L’un des défis concrets pour une entreprise sans entité anglaise est la gestion des paiements locaux (versement du salaire net au salarié, paiement des retenues à HMRC, prélèvement des cotisations de pension). Or, ouvrir un compte bancaire professionnel au Royaume-Uni peut s’avérer difficile sans structure sur place. Les banques britanniques traditionnelles exigent souvent que l’entreprise soit enregistrée localement (par exemple, sous forme de filiale ou branch) et demandent généralement la présence de directeurs au Royaume-Uni pour satisfaire aux contrôles d’identité et de conformité. Les procédures d’ouverture de compte peuvent prendre plusieurs mois (3 à 6 mois) et s’avérer complexes pour une société étrangère.

Face à cela, de nombreux employeurs se tournent vers des solutions bancaires alternatives de type fintech. Ces établissements de monnaie électronique (tels que Wise, Revolut Business, etc.) offrent la possibilité à une société non britannique d’obtenir un compte en livres sterling avec un IBAN/numéro de compte local. Cependant, il faut vérifier que ces services permettent les prélèvements automatiques (Direct Debits), indispensables pour régler les cotisations de pension. En effet, très peu de prestataires financiers en ligne autorisent les Direct Debits sans compte bancaire classique, ce qui peut poser problème pour l’auto-enrolment. Contactez nous si vous avez des problèmes à ouvrir un compte bancaire qui supporte les direct debits (Ouverture de compte bancaire avec direct debit en Angleterre).

Si l’ouverture d’un compte dédié s’avère impossible ou trop lente, une autre approche consiste à faire appel à un prestataire de paie international ou un « Employer of Record » (EOR). Ce type d’intermédiaire, moyennant des frais, peut prendre en charge l’émission des paiements au nom de l’employeur, servant de relais local pour verser le salaire en GBP, payer HMRC et les pensions, tout en assurant la conformité. Cela évite à l’entreprise française de gérer elle-même l’infrastructure de paie au Royaume-Uni. Néanmoins, cela signifie confier la relation d’emploi formelle à l’EOR, ce qui peut ne pas correspondre à la volonté de l’employeur (perte de maîtrise partielle, coûts additionnels). Si l’objectif est de gérer en direct le payroll étranger, il est donc recommandé de s’outiller d’un compte bancaire britannique – qu’il soit ouvert auprès d’une banque traditionnelle (anticiper alors les délais et exigences) ou via une solution fintech fiable – afin d’opérer facilement les paiements en livres sterling.

Notons que pour le versement du salaire net au salarié lui-même, rien n’interdit en théorie de le payer depuis un compte français en euros, mais cela engendrerait des conversions monétaires et d’éventuels frais bancaires pour le salarié. En pratique, il est fortement préférable de payer le salaire en GBP sur un compte bancaire britannique du salarié. De nombreux employés étrangers ouvrent un compte local dès leur installation au Royaume-Uni, facilitant ainsi les virements en devise locale. L’employeur aura alors tout intérêt à disposer d’un compte GBP depuis lequel effectuer un virement national (BACS) vers le compte du salarié, pour éviter les complications de change. En somme, résoudre les problématiques bancaires est une étape incontournable pour mettre en œuvre un foreign payroll fluide : cette logistique financière doit être anticipée en amont de la première paie.

Comparaison avec la France : taxation et cotisations sociales

Il est instructif de comparer le cadre britannique avec celui de la France en matière de paie, de taxes et de cotisations, afin de bien cerner les différences :

  • Taux de cotisations sociales : Le coût du travail (charges sociales obligatoires) est significativement plus faible au Royaume-Uni qu’en France. En dessous d’environ £32 000 de salaire annuel, le total des charges sociales s’élève à environ 13,8 % côté employeur et 8 % côté employé, contre 38 % à la charge de l’employeur et 22 % côté salarié en France (Fiscalité en Angleterre vs France : Différences et Avantages pour Expatriés). Même au-delà de ce seuil (où le taux salarié UK tombe à 2 %), l’écart demeure important. En d’autres termes, pour un même brut, un employeur paiera beaucoup moins de cotisations en UK qu’en France. Cela se traduit par un salaire net plus élevé pour le salarié britannique à brut équivalent, et un coût salarial total plus faible pour l’employeur. Ce différentiel s’explique par le fait qu’au Royaume-Uni, les cotisations sociales (NIC) financent essentiellement la retraite de base et quelques prestations, alors qu’en France les cotisations financent un système plus étendu (retraite de base + complémentaire, assurance maladie, chômage, allocations familiales, etc.). Néanmoins, en contrepartie de taux réduits, le Royaume-Uni oblige à cotiser à un régime de retraite privé (voir auto-enrolment ci-dessus), ce qui n’existe pas de manière équivalente en France. Au final, chaque pays offre des prestations sociales de base relativement comparables, mais via des mécanismes de financement différents (le Royaume-Uni complétant par l’épargne privée ce que la France prélève en cotisations publiques).
  • Impôt sur le revenu et PAYE : La France a introduit en 2019 le prélèvement à la source (PAS) de l’impôt sur le revenu, ce qui la rapproche du système britannique. Désormais, tout comme le PAYE, l’employeur français retient l’impôt sur le salaire de son employé pour le compte du fisc. La différence notable est qu’en France le taux de PAS est déterminé par l’administration en fonction du foyer fiscal (situation familiale et revenus du ménage), alors qu’au Royaume-Uni l’imposition est strictement individuelle – il n’existe pas de notion de foyer fiscal commun. Chaque salarié UK dispose d’un code fiscal (tax code) personnel déterminé par HMRC (intégrant l’abattement personnel standard de £12 570 et d’éventuels ajustements), et l’employeur applique ce code pour prélever l’impôt. Les tranches d’imposition britanniques sont de 20 %, 40 % et 45 % (pour des paliers de revenu allant respectivement jusqu’à ~£50k, puis ~£125k, au-delà duquel le 45 % s’applique), ce qui est assez semblable au barème français (11 %, 30 %, 41 %, 45 % sur des paliers comparables, hors taux à 0 %). En pratique, pour un salaire moyen, l’impôt prélevé à la source en France ou en UK sera d’un ordre de grandeur proche. Cependant, le système britannique est plus simple administrativement pour l’employeur : il n’a qu’un seul interlocuteur (HMRC) pour déclarer et payer à la fois l’impôt et les cotisations, via le système unifié RTI. En France, malgré la déclaration sociale nominative (DSN) mensuelle unifiée, l’employeur traite avec plusieurs organismes (URSSAF pour les cotisations, DGFiP pour le PAS, caisses de retraite, etc.), ce qui rend le processus globalement plus complexe.
  • Régime de retraite complémentaire : En France, la couverture retraite des salariés est assurée par le régime général (CNAV) et les régimes complémentaires obligatoires (Agirc-Arrco pour les cadres et non-cadres). L’employeur français n’a pas l’obligation légale de mettre en place un plan d’épargne retraite privé pour ses employés – ces dispositifs (PER d’entreprise collectif, article 83, etc.) sont facultatifs ou négociés dans le cadre de politiques internes. Au Royaume-Uni au contraire, l’auto-enrolment rend obligatoire l’adhésion à un régime complémentaire privé pour presque tous les salariés, avec participation de l’employeur. On peut voir là une différence de philosophie : le système français, plus mutualisé, prélève davantage de cotisations pour financer directement les retraites de base et complémentaires des salariés actuels, tandis que le système britannique mise sur la responsabilisation individuelle en forçant l’épargne de chacun pour sa propre retraite (tout en maintenant une pension publique de base plus modeste financée par l’impôt et les NIC). En outre, l’Angleterre ne connaît pas d’équivalent à la CSG/CRDS française – ces contributions sociales généralisées (~9,7 % du salaire en plus des cotisations classiques) n’existent pas au Royaume-Uni, ce qui contribue aussi à l’écart de taux de prélèvement entre les deux pays.
  • Assurance chômage et autres contributions : Le financement de l’assurance chômage diffère également. En France, l’employeur supporte environ 4 % de charges dédiées à l’Unédic (assurance chômage), et le salarié a longtemps cotisé (part salariale supprimée en 2018, remplacée par la hausse de CSG). Au Royaume-Uni, il n’y a pas de cotisation chômage spécifique : l’indemnisation du chômage (Jobseeker’s Allowance) est financée par le budget de l’État et partiellement par les NIC. De même, des contributions comme le versement transport, la formation professionnelle, la taxe d’apprentissage, qui peuvent exister en France, n’ont pas d’équivalent direct en UK ou sont intégrées dans la fiscalité générale. À l’inverse, le Royaume-Uni a instauré récemment (2017) un Apprenticeship Levy de 0,5 % de la masse salariale, mais uniquement pour les grandes entreprises (payroll annuel > £3 millions) – ce qui ne concernera probablement pas une PME embauchant un seul salarié outre-Manche.

En synthèse, embaucher un salarié au Royaume-Uni est en général moins coûteux en charges sociales qu’en France, et le système fiscal-social britannique vise à être plus simple pour l’employeur (un guichet unique HMRC pour la plupart des obligations). Toutefois, cela s’accompagne d’obligations nouvelles pour un employeur français, notamment la mise en place d’un régime de pension privé et le respect de démarches administratives différentes. Il est donc indispensable pour l’employeur de bien maîtriser ces différences pour gérer efficacement un payroll à l’étranger.

Conclusion

Embaucher un salarié en Angleterre sans y avoir de structure juridique est tout à fait envisageable pour un employeur français, à condition de s’adapter au cadre britannique. Les principales obligations à retenir sont le prélèvement de l’impôt à la source via le PAYE, le versement des cotisations sociales NIC à HMRC, l’affiliation du salarié à un régime de pension professionnel britannique, ainsi que le respect des lois du travail locales (contrat, salaire minimum, assurance employeur, etc.). Des défis pratiques, tels que l’ouverture d’un compte bancaire au UK, doivent être anticipés et résolus pour assurer le bon déroulement de la paie. En respectant scrupuleusement les règles de conformité britanniques, l’employeur évitera les risques juridiques et fiscaux et pourra bénéficier d’un environnement où le coût du travail est compétitif par rapport à la France. Il est souvent judicieux de se faire accompagner par un expert (conseiller en droit social international, expert-comptable britannique…) lors de la mise en place initiale du foreign payroll, afin de s’assurer que toutes les démarches (enregistrement HMRC, choix du pension scheme, assurances, etc.) sont effectuées correctement. Une fois le système en place, l’entreprise pourra rémunérer son salarié anglais en toute légalité et sérénité, sans implantation locale, en tirant parti des avantages du régime britannique tout en restant en conformité totale avec la réglementation.

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Franck Sidon

With over 15 years of experience as a Managing Director at TaxAssist Accountants, I have helped thousands of businesses and individuals achieve their financial goals and optimize their tax efficiency.